Kim Them Do
Traduction: Cécile Sassus

Dans le cadre du Partenariat Trans-Pacifique (TPP), le Vietnam et les Etats-Unis auraient autant besoin l’un de l’autre, mais encore faudrait-il qu’ils puissent s’en convaincre.
Dans le cadre du Partenariat Trans-Pacifique (TPP), le Vietnam et les Etats-Unis auraient autant besoin l’un de l’autre, mais encore faudrait-il qu’ils puissent s’en convaincre.
Le Vietnam, qui doit faire face a de nombreux problèmes internes ainsi qu’a une proximité géographique avec la Chine trop importante pour rester confortable, voit un intérêt majeur dans le déplacement de l’attention américaine de l’Atlantique vers le Pacifique et accueille chaleureusement les Etats-Unis en tant que force résidente de la zone pacifique afin de contrebalancer le poids de son voisin nordique, souvent d’humeur belliqueuse.
Très certainement le Vietnam, qui subit un ralentissement de son économie en raison de l’échec de l’économie de marché sous direction socialiste, recherche un contrepoids à l’influence chinoise. La population est mécontente en raison de l’omniprésence des travailleurs chinois et des denrées alimentaires douteuses provenant de Chine, de l’augmentation des opérations navales en mer de Chine du Sud et de l’incapacité du gouvernement a résoudre les revendications territoriales, que ce soit par voie légale ou militaire.
Alors que le sentiment anti-Chinois augmente et que l’incertitude du futur ne cesse de croître, la population se demande pourquoi le pouvoir n’a t-il toujours pas trouvé une solution? Où en est-on aujourd’hui dans le processus de résolution et comment s’adapter au mieux?
Du point de vue culturel et géopolitique, le Vietnam est très proche de la Chine, avec une position qui n’a jamais été aussi faible qu’aujourd’hui. Le pays est actuellement moins sujet a la paix interne, et plus vulnérable qu’auparavant à l’extérieur en raison notamment de l’incapacité gouvernementale à contrôler la corruption. D’autant que les élites placent les intérêts chinois ainsi que leurs propres intérêts au-dessus de la volonté politique du peuple.
Ainsi, les raisons positives de voir les Etats-Unis se tourner vers le Pacifique au détriment de l’Atlantique sont nombreuses. Regardant vers l’extérieur, le Vietnam peut se réjouir de voir les Etats-Unis s’installer dans le Pacifique et ainsi soutenir le pays et contrebalancer le pouvoir chinois. Comment le Vietnam peut-il alors transformer ses aspirations en actions, tout en continuant a vivre en paix avec la Chine?
La portée du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) est énorme. Le TPP pourrait même faciliter l’intégration du Vietnam au développement économique de la zone Pacifique. Le pacte proposé est actuellement négocié entre 12 pays allant du Pérou et du Chili en Amérique du Sud jusqu’à plusieurs pays membres de l’ASEAN tels que Brunei, la Malaisie, Singapour et le Vietnam.
Il pourrait inclure le Japon, 3è économie mondiale, ainsi que les États-Unis, la première. La ratification d’un tel pacte en ferait l’accord commercial le plus important au monde, amoindrissant l’influence de Union européenne dans la zone. L’accord initial du TPP, le « P4 » prévoit la suppression des tarifs douaniers sur toutes les marchandises d’ici à 2017 entre le Chili, la Nouvelle Zélande et Singapour. Brunei ferait de même, à quelques exceptions près.
Lancé en 2006 comme un accord de libre-échange entre Brunei, le Chili, la Nouvelle Zélande et Singapour, le P4 vise à éliminer les tarifs douaniers a travers un réseau d’accords et fait partie de ce que l’administration Obama a baptisé la politique du « pivot », consistant a faire basculer l’attention du pays vers l’Asie. En novembre 2009, le président Obama a annoncé l’augmentation des engagements des États-Unis dans chaque aspect de ses relations avec les pays de la région Asie-Pacifique. Il espère ainsi devenir le premier président américain « du Pacifique » (« America’s first Pacific President »).
Sans surprise, la Chine, notoirement absente de l’accord, le voit comme un effort visant à contenir celle qui est maintenant la 2è économie mondiale, à la fois du point de vue économique et militaire.
Cela ne veut cependant pas dire que les USA placeront le Vietnam au centre de ce pivot. Les États-Unis ne sont plus le pouvoir réglementaire le plus important dans le système commercial global et n’ont plus l’énergie de négocier au sein de l’OMC, même s’ils contribuent à l’architecture commerciale régionale.
Bien qu’il soit difficile de prévoir les confrontations économiques entre la Chine et les États-Unis dans le contexte du Partenariat Trans Pacifique, les deux acteurs peuvent améliorer leur capacité a gérer les risques auxquels ils pourront faire face. Le TPP ne constituera pas une question « de vie ou de mort » car les deux pays ne sont actuellement pas des adversaires. En tout cas pas autant que le Vietnam pourrait le souhaiter.
Toujours est-il que le Vietnam dispose du potentiel nécessaire pour devenir un partenaire très attractif pour les entreprises américaines. C’est en effet le 3è marché le plus important au sein du TPP, après les États-Unis et le Japon. Évidemment, les États-Unis ne raisonnent pas qu’à travers des considérations purement stratégiques en faveur du Vietnam. Les inquiétudes croissantes à propos de la souveraineté territoriale, de la sécurité alimentaire, de la dégradation environnementale et du contrôle du marché du travail ne sont pas les objectifs majeurs de l’engagement américain.
L’euphorie qui a entouré les discussions récentes entre les présidents Truong Tan Sang et Barack Obama s’est dissipée. La disparité entre les parties concernant les droits de l’homme est grande, mais pas assez pour mener a un blocage des négociations actuelles, comme certains activistes pourraient l’espérer. La nature bilatérale des discussions pourrait leur fournir la capacité de trancher les questions difficiles, comme la préoccupation vis-a-vis de la dominance régionale chinoise dans la politique intérieure vietnamienne.
Néanmoins, le Vietnam a réussi a créer l’impression totalement fallacieuse qu’il doit se reposer sur le retour des Américains. De fait, l’issue de la négociation actuelle ne correspond pas exactement aux plans du Vietnam.
Le Vietnam a donc besoin de faire preuve d’une meilleure compréhension, s’il veut convaincre les États-Unis de faire ce qui est bien pour lui. Or, ce qui compte est le pragmatisme des intérêts américains et dans ce cadre, l’avantage que pourrait leur apporter le Vietnam sur le long terme. Cette relation pourrait même devenir un modèle pour d’autres nations asiatiques.
Sur le long terme, il est peu probable que le Vietnam mène une diplomatie acrobatique, à laquelle ni les États-Unis, ni la Chine ne s’attendraient. Afin d’atteindre ses objectifs et de répondre aux conditions de basculement, le pouvoir devrait regarder à la fois vers le passé et le futur. Il s’agit d’une tache très difficile dans un contexte où la diplomatie globale, changeante, nous a laissé perplexe sur ce que la paix régionale à travers le développement économique signifie. Cela ne pourrait être résolu qu’avec la compréhension du public, un consensus politique, une redirection politique… et de la détermination.
Par conséquent, le Vietnam n’est pas bien placé : ni pour faire avancer le Partenariat Trans Pacifique, ni pour faire pression sur le processus de négociation avec ses partenaires diplomatiques. Les deux approches nuisent à la possibilité d’une initiative multilatérale.
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Auteur: Kim Them Do, chercheur en géopolitique et auteur de l’ouvrage: “Global Competition Governance: Key Issues”.
Source (Asia Sentinel) Vietnam and the US: Need for Each Other